Rue Taranne
5/23/2004
  Chagrin de Moore dure toute la vie

Bien que Tarantino et son jury s'en défendent de manière plus ou moins convaincante, il est à craindre que les soupçons quant à la véritable nature de la Palme d'Or décernée à Michael Moore pour son documentaire "Farenheit 9/11" ne disparaissent pas de sitôt. Et ce d'autant qu'ils sont partiellement justifiés, n'en déplaise au réalisateur de "Pulp Fiction": quand l'une des jurés explique doctement son choix par la nécessité de "rééquilibrer les choses par rapport aux médias", ajoutant que "ce que dit Michael Moore ne peut être vu dans les médias américains aujourd'hui", il est permis de s'interroger sur la pertinence esthétique d'un tel argumentaire.
On peut toutefois difficilement parler de surprise. En fait, et pour parler vulgairement, c'était gros comme une maison. Le contexte, le sujet du film, le refus de Disney de le distribuer, immédiatement transformé en acte de censure par l'auteur avec l'aide enthousiaste des médias - tout était en place pour faire de "Farenheit 9/11" la sensation du festival. Il était d'ailleurs parfaitement à sa place dans une sélection très "engagée" qui cassait du Bush et du Sharon, faisait le procès (à charge) de la mondialisation et célébrait en toute candeur l'indémodable Ernesto, dit le Che.
Cette avalanche de films politiquement et socialement engagés pourrait d'ailleurs être le véritable évènement du festival, plus que le lauréat qui ne fait que s'inscrire dans la tendance. L'actualité, la politique, s'étaient faites des plus discrètes dans la production cinématographique ces vingt dernières années. Un tel retour en force n'est pas sans rappeller les années soixante-dix, quand des films du genre de "La Classe ouvrière va au Paradis", "Padre Padrone" ou "Chronique des années de braise" avaient les faveurs de la Croisette. Ajoutons à cela d'autres facteurs, tels qu'un contexte social et géopolitique des plus instables, le néo-soixante-huitardisme dans les moeurs ou le renouveau d'idéologies que l'on croyait enterrées: tout cela donne l'impression fort désagréable - et inquiétante - que l'Histoire, arrivée au bout de son rouleau ou simplement à court d'imagination, nous ressert de vieux plats que l'on aurait aimé ne plus jamais voir au menu. Il ne reste plus qu'à nous souhaiter un bon appétit; nous en aurons besoin. 
5/05/2004
  Lettre ouverte à Zek

En réponse (tardive) à son post du 23 avril et suivants.


Cher Zek,

Dieu sait que ta prose m'a souvent scotché au plafond, mais jamais de façon aussi radicale que ce désormais célèbre "manifeste je-m'en foutiste" et ses suites qui déchaînent les passions depuis maintenant un peu plus de deux semaines. J'avais déjà pu constater à quel point ta plume est plus forte qu'une épée, mais là on touche à l'écriture comme arme de destruction massive. Chapeau, l'artiste.
Bon, nous n'avons pas la même analyse du phénomène islamique, les lecteurs un tant soit peu attentifs de nos blogs respectifs le savent, et je ne reviendrais donc pas là-dessus. Nous marchons en revanche du même pas en ce qui concerne les "chances" de notre civilisation de survivre, en particulier face à un adversaire aussi redoutable que l'Islamisme. Chances qui, pour n'être pas inexistantes, n'en sont pas moins des plus faibles.
Pourquoi? Pour toutes les raisons dont tu parles. L'Islamisme n'est pas travaillé par le doute permanent qui gangrène la pensée occidentale, il méprise la peur et la souffrance, voire la mort, ne l'intimident pas. Le statut des femmes - si l'on peut parler de "statut" à propos de la condition qui est la leur - est un net avantage dans la compétition démographique. Et je ne parle pas de la mort pour les hérétiques et les apostats, qui permet au dogme de persister dans toute sa pureté, sans danger de contamination ou d'altération. Mais la plus grande force de l'Islamisme, c'est avant tout d'exister. Car, en face, il n'y a rien.
Enfin, presque rien. Du moins rien qui permette de soutenir la comparaison. Le relativisme déguisé en tolérance, la mauvaise conscience érigée en dogme, le nombrilisme paré du beau nom d'individualisme, le refus de toute contrainte et la volonté de purger la vie de tout ce qu'elle a de sale, de triste et de désagréable, j'en passe et des pires, ont transformé la culture occidentale en une outre pleine de vent - seul le bon goût m'empêchant de mettre ce dernier mot au pluriel. Toujours est-il que l'Etat-Providence, la Gay-Pride ou les RTT ne sont pas des armes bien efficaces contre les djihadistes, en particulier quand ceux-ci savent piloter des avions...
Face à ce néant où s'ébattent, tels des tétards sous acide, les derniers hommes et femmes convaincus d'être au sommet de l'évolution morale, politique et sociale, deux réactions sont possibles: l'indifférence de l'ermite ou le refus de l'activiste. Il s'agit alors de trouver un produit de remplacement. Certains proposent la rupture, le passage à d'autres réalités à la cohérence desquelles il ne manque que... la réalité. On m'excusera de ne guère être enthousiaste à l'idée de troquer un néant pour une chimère. D'autres prônent un virage à 180°, en arrière toute. La solution est effectivement séduisante. Mais toute aussi chimérique. Le monde a changé, il faut le reconnaître, et nous devons partir de là. Que faire, alors?
Peut-être rétablir des valeurs de base, et pour cette raison sérieusement malmenées depuis quelques temps, au premier plan desquelles:
- La liberté, qui n'est pas le droit de faire n'importe quoi au mépris des conséquences et du droit d'autrui;
- La responsabilité, qui n'est pas toujours celle des autres;
- La tolérance, qui n'est pas l'approbation systématique et englobante de tout et de son contraire;
- Le respect des autres, dont on n'est pas quitte parce que l' "on paie ses impôts, moi môssieur".
Ainsi que d'autres, plus banales, telles que le courage ou le goût de l'effort.
Alors, peut-être, pourrons-nous envisager une lutte à armes à peu près égales avec l'ennemi qui nous nargue. J'ai bien dit: peut-être.

Bien à toi,
Taranne

 
Raleur, reac et ronchon, d'une mauvaise foi incroyable, Taranne deverse ici sa bile sur le monde moderne. Collectivistes, philoneistes, adeptes de la solidarité obligatoire, de la culture festive et de la subversion conformiste, passez votre chemin. Quant aux autres, asseyez-vous, prenez vos aises. This blog is your home.

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