Rue Taranne
12/23/2003
  Rediffusion

Au panthéon des marronniers et autres serpents de mer, la question de la redevance occupe une place de choix. Pas un trimestre ne passe sans que le débat ne resurgisse, entre partisans de l'augmentation et zélotes de la suppression pure et simple.
Les premiers font valoir qu'un Service Public de qualité à un prix dont le téléspectateur doit acquitter sa part, laquelle est notoirement insuffisante. Résultat, le Service Public n'a pas les moyens de ses ambitions, et doit chercher les ressources nécessaires du côté de la publicité, avec tous les compromis que cela suppose. Il est donc primordial de non seulement augmenter la redevance, mais aussi et surtout d'éliminer les nombreuses exonérations qui en restreignent la portée. Ainsi, et ainsi seulement, le Service Public pourra lutter efficacement contre la concurrence, et proposer des programmes d'une qualité supérieure.L'argumentaire, pour séduisant qu'il paraisse, pèche néanmoins sur de nombreux points.
La redevance se justifiait à la rigueur dans ces temps point si reculés où la télévision était monopole d'Etat. Acheter un téléviseur, c'était souscrire au Service Public (alors nommé ORTF) et celui-ci pouvait donc à bon droit exiger une participation financière des téléspectateurs, d'autant plus que la publicité - seule autre source possible de revenus - était alors bannie des ondes. Si l'on ne voulait pas payer, il suffisait de ne pas acheter de téléviseur. La chose devint plus difficilement justifiable quand le petit écran s'ouvrit à la "réclame" en 1968, mais son iniquité apparut au grand jour avec la fin du monopole au début des années quatre-vingts, les premières chaînes privées faisant leur apparition. Le téléspectateur, désormais, avait le choix - qui ne se portait pas toujours sur le Service Public. Le statut de la redevance passa alors de péage non-assumé à celui de dîme que le téléspectateur devait acquitter pour le simple fait de posséder un téléviseur, et ce qu'il regarde ou pas les programmes de France Télévision. Un tel impôt sur le droit de possession n'aurait point déparé dans la France féodale d'avant 1789, mais semble quelque peu déplacé dans une République Une et Indivisible qui se présente volontiers comme la "patrie des droits de l'Homme".
A ces quelques objections, les pro-redevance opposent les réponses habituelles: l'exception culturelle et ce Sésame ouvre-toi de la politique française, la Solidarité. Merveilleux mot que Solidarité, qui permet d'extorquer toujours plus d'argent au contribuable pour financer des mesures et projets dont neuf fois sur dix il ne bénéficie pas! Il permet également de flétrir à bon compte celui qui rouspète, car seuls les égoistes peuvent refuser d'être solidaires, n'est-il pas?
Il existerait pourtant une méthode plus libérale, et surtout plus juste, qui consisterait à transformer la redevance en ce qu'elle était à ses débuts: un péage. Comme Canal +, les chaînes de France Télévision ne seraient visibles que par ceux qui paieraient pour les voir. Abonnements et ventes de décodeurs cumulés assureraient de confortables rentrées au Service Public... sans que la coercition y joue le moindre rôle.
Malheureusement, une telle révolution n'est pas près de voir le jour. La raison en est fort simple: comme toutes les administrations, le Service Public n'est que superficiellement au service du public, et ne survit que s'il n'a pas de comptes à lui rendre. La nécessité de conquérir le public, et surtout de le retenir, sonnerait le glas de nombreux programmes élaborés en vase clos, par et pour une caste aveugle à tout ce qui n'est pas elle-même. Il est fort douteux, par exemple, que le million de téléspectateurs en moyenne qui regarde Arte suffise à la faire vivre - si d'aventure ils sont prêts à payer. Ce sont les mêmes craintes qui se cachent derrière les résistances à la privatisation de l'une des deux chaînes aînées: que deviendront les émissions culturelles (lisez: élitistes) telles que "Des Mots de Minuit" si l'audience devenait la principale préoccupation des dirigeants? On n'ose envisager une telle horreur. Les praticiens ravis du monologue dialogué, et de l'hermétisme (pseudo) intellectuel seraient forcés de se mettre à portée du public ou de disparaître. Pire, l'information libre (lisez: fortement biaisée) deviendrait elle aussi difficile, les téléspectateurs n'étant pas forcément disposés à financer la propagande, surtout quand ils ne partagent pas son idéologie. Mais le plus atroce est encore que les gouvernants perdront le contrôle d'un média auquel ils ont toujours prêté une grande attention - euphémisme. A partir du moment où les fonds deviennent privés, il deviendra beaucoup plus difficile pour nos édiles d'influencer le contenu des programmes, ou de s'assurer la "bonne volonté" des journalistes. Des intervieweurs sans concession, qui ne font pas la révérence devant les grands? Vous n'y pensez pas!
Une télévision plus proche de son public, plus honnête, plus indépendante: cela fait beaucoup de bonnes raisons pour supprimer la redevance. Et ce sont pile pour ces mêmes raisons qu'on ne le fera pas.  
12/16/2003
  Un Thiers vaut mieux que deux tu l'auras

On ne parle plus guère d'Adolphe Thiers de nos jours, si ce n'est pour flétrir l'écraseur de la Commune et l'homme qui livra l'Alsace-Lorraine aux Prussiens. Et de fait, le deuxième président de la République fut bien l'un de ces "hommes providentiels" qui, en temps de crise, "font don à la France de leur personne" pour un résultat souvent catastrophique en matière de libertés et de droits fondamentaux.
Bien avant que de siéger au panthéon de la "brutalité providentielle" aux côtés du Général Cavaignac ou du Maréchal Pétain, le sieur Thiers fut pourtant un grand historien et, surtout, un libéral convaincu. Il m'a paru intéressant, par les temps qui courrent, de reproduire l'un de ses discours, tenu en 1864 - soit sept ans avant qu'il n'accède au pouvoir - et qui prouve tristement que les politiciens sont infiniment plus doués pour énoncer des principes que pour les appliquer.

"(...) Il y a cinq conditions qui constituent ce qui s'appelle le nécessaire en fait de liberté.

La première est celle qui est destinée à assurer la sécurité du citoyen. Il faut que le citoyen repose tranquillement dans sa demeure, parcoure toutes les parties de l'État sans être exposé à aucun acte arbitraire (...). Il faut que le citoyen soit garanti contre la violence individuelle et contre tout acte arbitraire du pouvoir. Ainsi, quant à cette liberté qu'on appelle la liberté individuelle, je n'y insisterai pas ; c'est bien celle-ci qui mérite le titre d'incontestable et d'indispensable.

Mais, quand le citoyen a obtenu cette sécurité, cela ne suffit pas. S'il s'endormait dans une tranquille indolence, cette sécurité, il ne la conserverait pas longtemps. Il faut que le citoyen veille sur la chose publique. Pour cela, il faut qu'il y pense, et il ne faut pas qu'il y pense seul, car il n'arriverait ainsi qu'à une opinion individuelle ; il faut que ses concitoyens y pensent comme lui, il faut que tous ensemble échangent leurs idées et arrivent à cette pensée commune qu'on appelle l'opinion publique ; et cela n'est possible que par la presse. Il faut donc qu'elle soit libre, mais lorsque je dis liberté, je ne dis pas impunité. De même que la liberté individuelle du citoyen existe à la condition qu'il n'aura pas provoqué la vindicte de la loi, la liberté de la presse est à cette condition que l'écrivain n'aura ni outragé l'honneur des citoyens ni troublé le repos du pays. Ainsi, pour moi, la seconde liberté nécessaire, c'est cette liberté d'échange dans les idées qui crée l'opinion publique.

Mais, lorsque cette opinion se produit, il ne faut pas qu'elle soit un vain bruit, il faut qu'elle ait un résultat. Pour cela il faut que des hommes choisis viennent l'apporter ici, au centre de l'État - ce qui suppose la liberté des élections - et, par liberté des électeurs, je n'entends pas que le gouvernement qui est chargé de veiller aux lois n'ait pas là un rôle ; que le gouvernement qui est composé de citoyens n'ait pas une opinion : je me borne à dire qu'il ne faut pas qu'il puisse dicter les choix et imposer sa volonté dans les élections. Voilà ce que j'appelle la liberté électorale.

Enfin, Messieurs, ce n'est pas tout : quand ces élus sont ici mandataires de l'opinion publique, chargés de l'exprimer, il faut qu'ils puissent à temps apporter un utile contrôle à tous les actes du pouvoir. Il ne faut pas que ce contrôle arrive trop tard et qu'on n'ait que des fautes irréparables à déplorer. C'est là la liberté de la représentation nationale (...) et cette liberté est selon moi, la quatrième des libertés nécessaires.

Enfin vient la dernière je ne dirai pas la plus importante, elles sont toutes également importantes mais la dernière, dont le but est celui-ci : c'est de faire que l'opinion publique, bien constatée ici à la majorité, devienne la directrice des actes du gouvernement."
 
  "L'unanimité me fait peur" - Romain Gary

La question a été mille fois posée: pourquoi la France est-elle à ce point imperméable aux idées libérales? La réponse est simple: le libéralisme postule l'individualisme, et nos braves compatriotes sont très en retard sur ce dernier point. Oh, ils connaissent et pratiquent bien cet "individualisme" tant décrié par les médias et que l'on nomme, en bon français, égotisme ou égoïsme. Mais le vrai individualisme, celui qui implique de penser par soi-même et d'assumer ses responsabilités, c'est plus qu'ils n'en peuvent supporter. Pour faire court, en France, nous avons des citoyens, mais nous n'avons pas d'individus.
Il suffit, pour s'en convaincre, de faire un détour par le site de l'IFOP ou de n'importe quel autre institut de sondages. Que ce soit sur le sentiment d'appartenance, le double affichage franc/euro ou la discrimination positive, l'opinion majoritaire des Français est toujours très... majoritaire, de l'ordre de 60-80%. Et cela commence de plus en plus jeune: ainsi, on nous apprend que 64% des enfants redoutent l'échec scolaire. Ils ne sont toutefois que 45% à estimer que l'école sert à apprendre des choses, tandis que 38% la voient comme un outil de préparation à la vie professionnelle. On voit donc que, malgré les efforts du corps enseignant, la mentalité enfantine est - c'est un comble - moins monolithique que celle de leurs ainés. Un même sondage réalisé auprès de 25-45 ans nous aurait sans doute donné 75% de personnes interrogés considérant que l'école doit être un lieu d'épanouissement et de citoyenneté (en clair, une garderie gratuite).
S'ils prêtent à rire, ces chiffres suscitent d'abord l'inquiétude. Autant que l'allergie gauloise au libéralisme, ils expliquent la crise de la démocratie dans notre pays. La liberté, c'est bien connu, ne s'use que si l'on s'en sert, et les Français ne s'en servent pas. Notre société, par sa massification progressive et le consensus érigé en hygiène de pensée, quitte lentement le cercle déjà restreint des sociétés ouvertes pour s'acheminer vers celui des sociétés closes. Le renforcement du pouvoir exécutif, le contrôle renforcé de la vie économique, les lois sur les signes religieux, l'encadrement des loisirs, sont des signes avant-coureurs. Le seul moyen d'éviter un désastre est de réhabituer les Français à penser, c'est-à dire, à avoir des opinions. Le politiquement correct, les valeurs universelles, le préchi-précha, l'unanimisme sont les poisons de la démocratie. C'est peu de dire que la nôtre a besoin d'un antidote. Et de toute urgence. 
12/10/2003
  Un air de Révolution Nationale...

Il y a de cela quelques posts, j'avançais l'idée que la France s'acheminait lentement mais sûrement vers un retour à l'Ancien Régîme. A la réflexion toutefois, et à la lumière des récents évènements, j'ai abandonné cette hypothèse pour une autre, qui me paraît infiniment mieux adaptée au contexte actuel.
Résumons-nous.
- Un antisémitisme galopant, avec agressions et dégradations quasi-quotidiens, manuels "révisés", expositions "orientées" et, last but not least, incitation télévisée au pogrom à une heure de grande écoute.
- Un solide tropisme réactionnaire et obscurantiste, hostile au progrès technique et scientifique, doublé d'une idéologie du retour à la terre qui s'incarne dans d'innombrables feuilletons à la gloire du monde paysan et dans la personne douteuse d'un agitateur/agité moustachu adepte du saccage de fast-foods.
- Un chef d'état vieillissant et ne disposant plus de toutes ses facultés, "homme providentiel" ne devant son poste qu'à des circonstances exceptionnelles (et à l'absence de toute alternative crédible) et qui préfère la fréquentation des Allemands (et des dictateurs en général) à celle des Américains et des Britanniques.
- Un Etat-fantoche, sous la coupe de forces ennemies, affublées de noms ésotériques (CGT, FO, SUD, ATTAC, MRAP) prêtes à toutes les bassesses et dénuées de toute pitié. Elles comptent de nombreux soutiens intéressés ("collaborateurs") parmi l'intelligentsia et la classe politique.
Tout cela ne vous rappelle rien? Non? Vous avez vraiment la mémoire courte - c'est le cas de le dire. Je ne saurais donc trop vous recommander d'écouter ce qui (re)deviendra sans doute prochainement notre hymne national en remplacement d'une Marseillaise désormais hors de propos. Il m'est même venu aux oreilles que Johnny se proposait de l'interpréter. 
12/08/2003
  Jacques, Johnny, Michel et Patrick, quatuor de choc de la France qui perd

A l'orée du troisième millénaire, la France doit faire face à un grave problème, le vieillissement de sa population, qui menace de la transformer en un pays de retraités, avant la fin de ce siècle. Le problème en engendre d'autres, tels que la faillite inéluctable de la retraite par répartition, en dépits d'aménagements qui tiennent du pansement sur une jambe de bois. Ici comme dans d'autres domaines, la nécessité d'une approche, d'une vision neuves se fait chaque jour plus criante. Mais d'où pourrait bien venir un éventuel "frisson nouveau"? Le vieillissement en France, est aussi celui des idées, ainsi que des élites chargées de les concevoir.
Le soutien quasi-automatique et massif apporté par l'ensemble de la population aux divers mouvements sociaux dans la fonction publique, est un sujet qui a été longuement débattu. Peu d'intervenants, toutefois, se sont rendus compte que la racine de cette empathie se trouvait principalement dans la structure extrêmement fonctionnarisée de la société française, où l'emploi à vie a longtemps été, et demeure en certains secteurs, une réalité. On ne comprend pas les réactions passionnelles aux affaires Michelin, Marks & Spencer ou Lu si l'on oublie ce fait brut. Et où peut-on en trouver meilleure illustration que dans les plus hautes sphères?
Johnny Hallyday, quarante années de succès quasi-ininterrompu.
Michel Drucker, trente-huit ans de présence continue sur le petit écran.
Jacques Chirac, trente-cinq ans de politique au plus haut niveau (de responsabilité, s'entend).
Patrick Poivre d'Arvor, vingt-cinq ans de Journal télévisé...
La place, ainsi que le temps, me manquent pour faire une liste complète de tous ces fonctionnaires de la politique, du spectacle ou de la culture dont les carrières couvrent plusieurs strates géologiques. Invulnérables aux changements de mode, aux scandales et à la retraite, ces dinosaures continuent pépères leur petit bonhomme de chemin, sans avoir à craindre la concurrence des jeunes loups. Car, et c'est un autre trait emprunté à la fonction publique, la société française fonctionne à l'ancienneté. Sauf rares exceptions qui tiennent de l'étoile filante, le système impose à l'aspirant de grimper patiemment les échelons, une marche à la fois, et en se pressant le moins possible. D'où ces prix du "meilleur espoir", du "meilleur premier film" ou du "premier roman" qu'il faut d'abord conquérir pour oser prétendre aux plus hautes récompenses. De même, un politicien se doit de conquérir une mairie, puis un siège de député, puis un ministère, avant de poser une éventuelle candidature à la magistrature suprême. Ceux qui s'aventurent à prendre l'ascenseur plutôt que les escaliers s'exposent à de gros ennuis, et au dédain de leurs pairs plus "expérimentés". Les idées en matière d'économie de l'ancienne secrétaire au Budget, Florence Parly lui valurent ainsi moins d'inimitiés que le fait qu'elle n'avait jamais siégé à l'Assemblée...
Un système politique, culturel et médiatique dominé par une élite inamovible, régi par un étiquette basée sur l'âge et l' "expérience" ne peut par définition produire énormément d'idées nouvelles. Il ne faut pas s'étonner que des politiciens en poste depuis un quart de siècle aient peu d'enthousiasme pour la réforme, ou que des artistes institutionnels qui firent leurs débuts il y a quarante ans ne se montrent plus très innovateurs. Tout ce qu'on peut leur demander - et ils le font fort bien - est de continuer à mitonnant la petite soupe qui leur a si bien réussi, en mettant les ingrédients au goût du jour. Jacques Chirac s'entiche subitement d'écologie et découvre la solidarité et la nécessité d'une "autre mondialisation"; Johnny Hallyday chante du De Palmas et parraine la Star Academy; Michel Drucker invite Laurent Gerra et Poivre d'Arvor se fait poser des implants. Ravalement de façade, mais la charpente est toujours la même.
Et elle est sur le point de s'écrouler.
 
12/06/2003
  Last Action Zéro

A l'heure où l'obèse (anti-)Américain préféré des Français, Michael Moore, s'offre un nouveau succès de librairie, le site d'utilité publique Spinsanity - à quand la version française? - décortique le chef d'oeuvre, pointant sans pitié les mensonges et manipulations dont le bonhomme est coutumier. Un excellent antidote à l'hagiographie moorienne de rigueur dans notre beau pays.  
12/05/2003
  Mieux vaut tard que jamais...

Voilà pourtant un petit moment que j'en suis informé, mais il faut croire que la sénilité précoce me guette, puisque ce n'est que maintenant que je pense à vous en parler. Ce dimanche à Bruxelles aura lieu une grande marche de soutien au capitalisme, lequel en a bien besoin par les temps qui courrent. Il y a fort à parier que l'évènement ne bénéficiera pas de la même couverture médiatique que le FSE, mais ce n'est pas une raison pour les libéraux lecteurs de ce forum de bouder leur devoir. Vous êtes donc attendu(e)s nombreux et nombreuses; nous ne serons jamais trop contre la marée noire de la bêtise alter-comprenante. Pour plus de renseignements, cliquez ici
12/01/2003
  Soyons "équitables"

Si la France est le pays le plus à gauche de toute l'Europe, voire de l'Occident, ce n'est certes pas par hasard. Nous le devons, avant tout, à une propagande d'autant plus efficace qu'elle fait feu de tout bois, s'appropriant même les supports les plus inoffensifs en apparence. Le lecteur/auditeur/téléspectateur lambda se fait ainsi, et sans en avoir conscience, bourrer le mou sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, enregistrant machinalement des idées qu'il finira par croire les siennes. On ne devra donc pas s'étonner ensuite qu'il apporte un soutien total et enthousiaste aux serial-grévistes de la fonction publique - il a été formé pour cela, par des gens qui connaissent leur métier.
Le lieu privilégié de la propagande est bien entendu le JT, suivi des magazines dits "de société" et de ces séries et téléfilms "de proximité" que le monde ne nous envie (et ne nous achète) pas. Mais, ainsi que je l'ai dit plus haut, le génie de la propagande est de s'immiscer là où on l'attend le moins. J'en ai d'ailleurs eu un nouvel exemple pas plus tard qu'il y a une dizaine de minutes.
Sponsorisée par Gaz de France, "Gestes d'intérieur" se présente comme une sitcom dont les héros sont une famille de français moyens. Le téléspectateur les suit dans leur vie très quotidienne, vie jalonnée de bourdes plus ou moins dangereuses que corrige in extremis une voix off qui prodigue le Bon Conseil Du Jour, du type "on ne change pas une ampoule avec les doigts mouillés", "on ne téléphone pas pendant un orage" - vous voyez le genre. Qu'il faille encore, à l'aube du troisième millénaire, rappeller de tels truismes laisse rêveur quant au développement intellectuel de l'Homo Gallicus contemporain. Mais ce n'est pas là le sujet de ce post.
L'épisode de ce jour, diffusé à 18H10 sur RTL9, commence avec la famille réunie autour de la table du petit-déjeûner. Tableau idyllique, gâché par une seule fausse note: la fillette refuse de manger. Ses parents lui demandent pourquoi, puisqu'il y a du thé, du café et du chocolat, et c'est bon ça, le thé, le café et le chocolat. La gamine répond alors qu'on lui a expliqué à l'école (tiens, tiens...) que tous ces produits sont fabriqués par des gens qui sont payés une misère et ne peuvent donc vivre décemment. Stupeur des parents - de leur temps, la conscience sociale n'était pas au programme du CE2! C'est alors que la Voix Off intervient pour montrer la lumière à ces deux béotiens. Leur fille, explique-t'elle, est en train de découvrir "l'existence d'inégalités entre les pays". Et pour régler son cas de conscience, il suffit d'acheter des produits issus du commerce équitable, ainsi nommé parce que le fabriquant reçoit une rémunération correcte pour son travail. L'emballage du paquet de café qui apparaît à l'écran rappelle furieusement celui de la marque Max Havelaar, mais c'est certainement une coincidence.
Je puis me tromper, mais il me semblait que des lois existaient contre la publicité clandestine, qui avaient d'ailleurs coûté leur peau à certaines émissions malchanceuses. Apparemment, lesdites lois ne s'appliquent pas aux productions du monopole gazier français, de même que les règles du CSA ne concernent pas les programmes de Arte, qui peut diffuser du porno en clair sans aucune réprimande. Intéressant.
L'irruption du commerce équitable - concept idéologiquement chargé s'il en est - dans une émission où il n'avait théoriquement rien à faire, est symptômatique. Dans le Paysage Audiovisuel Français, on ne peut faire confiance à rien ni personne, d'où la nécessité de surveiller ce que les enfants regardent. Il n'est pas exclu, en effet, qu'une subtile propagande trotskyste soit à l'oeuvre dans "Debout les Zouzous" et que les altermondialistes aient inflitré "M6 Kid" aux fins de parachever le travail accompli par leurs complices instituteurs. Pour paraphraser un condisciple blogueur, only the paranoid survive
  Ave Cesar...

Bien que je ne m'explique toujours pas l'admiration universelle et oscarisée qu'il a suscité, c'est sans déplaisir que j'ai revu hier le film de Ridley Scott, Gladiator.
Ce n'est certes pas le chef-d'oeuvre du siècle. La mise en scène de Ridley Scott confond rythme et rapidité, la reconstitution du Rome impérial sent l'ordinateur à plein nez, et l'on se demande pourquoi il a fallu trois scénaristes pour écrire une histoire aussi simple. Russel Crowe, enfin, est un acteur plutôt limité qui interprète de façon limitée un personnage lui-même limité.
Néanmoins, et malgré tous ces défauts, "Gladiator" demeure un bon spectacle, qui se voit sans ennui et même parfois avec un certain plaisir - en bref, le type de film que seul les Américains sont capable de faire, et sans avoir besoin de subventions. Et, comme souvent dans le cinéma américain, le divertissement n'exclut pas des préoccupations plus "sérieuses" d'affleurer, notamment dans le domaine politique - et nous en arrivons à la raison qui me fait parler de ce film sur un blog qui n'est pourtant pas particulièrement voué à la cinéphilie.
Bien que situé dans un passé lointain et que l'on pourrait considérer comme révolu, "Gladiator" nous parle en fait de notre époque, de notre société, tant il est vrai que certains traits du caractère humain ne changent jamais. Dans la Rome impériale comme dans nos démocraties démocratico-médiatiques, le pouvoir est une affaire de popularité. Celui qui sait conquérir le coeur de la foule (que ce soit dans une arène ou dans les sondages) est en mesure de gêner sérieusement les détenteurs officiels de l'autorité, qu'ils s'appellent Commode ou Jacques Chirac. Par ailleurs, et c'est là un point commun encore plus troublant entre les deux époques, les dirigeants non désireux ou incapables de remédier aux problèmes de fond s'en tirent en abrutissant les masses par le truchement du divertissement institutionnalisé: les jeux de Commode présentent ainsi une ressemblance frappante avec la politique festive et étatico-hédoniste à l'honneur sous nos latitudes depuis une vingtaine d'années. Pendant la Fête de la Musique et la Gay Pride, le chômage continue de monter, le trou de la Sécu de se creuser, l'illettrisme de progresser et la violence de se radicaliser. Mais personne n'y prête attention, et c'est tellement mieux comme ça. Le problème est qu'à trop danser sur le volcan, on finit emporté par la lave quand celui-ci se décide enfin à entrer en éruption.
C'est fou, non, tous les enseignements que l'on peut tirer d'un film de pur divertissement, fabriqué par une industrie notoirement connue pour l'insignifiance intellectuelle de ses productions? Les subventions, l'exception culturelle nous mettent heureusement à l'abri de cette sous-culture marchandisée, et nous permettent ainsi de cultiver notre esprit critique à la vision de Ressources humaines ou Rosetta - tous films qui nous permettront de retrouver notre sérénité, confortés que nous serons dans nos certitudes et délivrés de tout questionnement un tant soit peu inconfortable. Dormez tranquilles, braves gens. 
Raleur, reac et ronchon, d'une mauvaise foi incroyable, Taranne deverse ici sa bile sur le monde moderne. Collectivistes, philoneistes, adeptes de la solidarité obligatoire, de la culture festive et de la subversion conformiste, passez votre chemin. Quant aux autres, asseyez-vous, prenez vos aises. This blog is your home.

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